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« Avec 10 % de fonction pulmonaire, on est en mode survie. »

Eliane Gutzwiller souffre de mucoviscidose depuis sa naissance et vit depuis huit ans avec un poumon greffé. Bien qu’encore jeune, elle a traversé beaucoup d’épreuves et souvent pensé à la mort et à ses propres funérailles avant la transplantation qui lui a sauvé la vie. La longue attente pour un don d’organe ne sera bientôt qu’un souvenir en Suisse : le 15 mai 2022, le peuple a voté en faveur du consentement présumé au sens large.

Eliane Gutzwiller, jeune femme aux courts cheveux orange lumineux et aux piercings d’oreilles ostentatoires, parle ouvertement de la mucoviscidose, de sa transplantation pulmonaire et de ses dépressions : « La mucoviscidose fait partie de moi. Je ne connais rien d’autre. Je suis née avec une occlusion intestinale, la maladie a donc immédiatement été décelée. Mon quotidien ne me semble pas hors du commun : avant la transplantation déjà, je devais prendre beaucoup de médicaments et faire des inhalations tous les jours. Mais bien sûr, je ne suis pas aussi résistante que les personnes en bonne santé... »

Avant sa transplantation, alors qu’il ne lui restait plus que 10 % de fonction pulmonaire, il lui était extrêmement difficile de respirer. « Je n’avais plus aucune qualité de vie. J’étais en mode survie. Respirer me prenait toute mon énergie. Autrement dit, mon poumon ’dévorait’ toute mon énergie. C’était comme si mon corps devait courir un marathon sans fin... »

L’espoir peut s’éteindre

« Comment dit-on déjà ? C’est l’espoir qui meurt en dernier. Et pourtant, il peut s’éteindre ! C’est ce qu’il m’est arrivé. Je me souviens encore de la nuit avant qu’il ne soit décidé que j’aurais un nouveau poumon. J’ai alors pensé : maintenant, je vais mourir. » Eliane Gutzwiller n’avait alors que 21 ans. Elle souffre depuis de stress post-traumatique et de dépression. Pendant 40 jours, elle a rencontré des difficultés respiratoires et était dans l’attente du poumon d’un donneur. « Pendant ce laps de temps, j’ai beaucoup pensé à mes funérailles. J’avais peur de la mort. Toutes mes pensées étaient négatives. » Peu avant la transplantation, la jeune femme n’était plus en mesure de comprendre ce qui se passait : on lui administrait beaucoup de sédatifs et elle a fini par demander à être placée dans un coma artificiel. Le corps médical a cependant rejeté cette demande en raison des nombreux risques. C’est alors qu’est arrivée la bonne nouvelle !

« Je n’ai vraiment réalisé ma chance qu’à mon retour à la maison, après l’opération, nous explique Eliane Gutzwiller. Je me souviens être montée à quatre pattes jusqu’à mon appartement, car je n’avais plus de muscles après mon séjour à l’hôpital. » Mais ensuite, elle s’est battue pour reprendre goût à la vie, petit à petit et avec le soutien indéfectible de son entourage – parents, beaux-parents, cercle d’ami-e-s. « La transplantation pulmonaire a complètement changé la donne, souligne-t-elle. Je pouvais par exemple à nouveau me doucher toute seule. Toutes les activités que je pouvais faire de manière autonome ont représenté un gain considérable pour ma qualité de vie. »

Se structurer pour lutter contre la dépression

Malheureusement, elle souffre aujourd’hui d’un rejet chronique du poumon, qui peut toutefois être traité par photophérèse (irradiation des globules blancs avec de la lumière). « Etre à l’hôpital a déclenché chez moi des phases de dépression : ne pas avoir le choix ni le contrôle de mon corps est difficile à supporter. » Structurer ses activités l’aide à gérer ces moments de dépression. Pendant son séjour actuel à l’hôpital également, elle essaie d’organiser son quotidien. « Comme à la maison, explique-t-elle, d’abord je me douche, puis je prends mon petit-déjeuner et je sors mon chien Emil toujours à la même heure. Ici, à l’hôpital, je me promène à cette même heure avec mon pied à perfusion (elle rit). » Le dialogue avec le personnel soignant, les douches chaudes ou son matelas d’acupression lui sont également très utiles. Il en va de même pour les crises de panique imprévisibles qui l’assaillent de temps en temps. « Dessiner me fait toujours plaisir. En ce moment, j’illustre un livre pour enfants. Mon plus grand souhait serait de le publier. Et de sortir de l’hôpital ! (elle rit) Sinon, je ne fais plus aucun projet à long terme. »

Eliane avec son chien Emil
Eliane à l'hôptial
© 20min/Fabienne Naef
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Un « OUI » sans appel à la nouvelle loi sur la transplantation

Le 15 mai 2022, environ 60 % de la population votante s’est exprimée en faveur du changement de système pour le don d’organe : grâce au consentement présumé au sens large, en Suisse, toute personne âgée de 16 ans et plus est considérée comme donneuse d’organe sauf si, de son vivant, elle a exprimé une volonté contraire. Ceci laisse espérer la possibilité de plus de dons d’organes qui pourront sauver plus de vie. Toute personne ne souhaitant pas faire don d’organe ou de tissus après sa mort doit désormais le consigner. La nouvelle réglementation ne s’appliquera toutefois qu’en 2024 au plus tôt. La nouvelle loi sur la transplantation doit encore attendre qu’un registre national soit mis en place et que des campagnes d’information soient menées pour entrer en vigueur. Attentive aux préoccupations des patient-e-s attendant un don d’organe, Mucoviscidose Suisse continuera de s’engager pour que la mise en œuvre se fasse le plus rapidement possible.