Portraits

" En mémoire d’Eliane Gutzwiller "

Eliane Gutzwiller était atteinte de mucoviscidose et a vécu huit ans avec un poumon greffé. Malgré son jeune âge, elle a traversé de nombreuses épreuves et s’est souvent confrontée à la mort avant la transplantation qui lui a sauvé la vie. Cette attente difficile pour un organe donneur ne sera bientôt plus qu’un souvenir en Suisse : le 15 mai 2022, le peuple a approuvé le principe du consentement présumé au sens large. Eliane Gutzwiller est décédée le 23 août 2024 à l’âge de 31 ans. Nous gardons d’elle le souvenir d’une femme courageuse, sincère et d’une grande sensibilité.

Eliane Gutzwiller, une jeune femme aux cheveux courts d’un orange éclatant et aux piercings d’oreilles remarquables, parlait ouvertement de sa vie avec la mucoviscidose, de sa transplantation pulmonaire et de ses dépressions : "La mucoviscidose fait partie de moi. Je ne connais rien d’autre. Comme je suis née avec une occlusion intestinale, la maladie a été détectée immédiatement. Mon quotidien ne me semble pas extraordinaire : avant la transplantation déjà, je devais prendre de nombreux médicaments et faire des inhalations chaque jour. Mais bien sûr, je ne suis pas aussi résistante que les personnes en bonne santé."

Avant sa transplantation pulmonaire, alors qu’elle n’avait plus que dix pour cent de fonction pulmonaire, respirer lui était devenu extrêmement difficile. "Ce n’était plus une qualité de vie. C’était simplement de la survie. Respirer me prenait toute mon énergie. Autrement dit, mes poumons dévoraient toute mon énergie. C’était comme si mon corps devait courir un marathon sans fin." Mais Eliane n’a jamais perdu son courage, même lorsque l’espoir s’amenuisait. "Comment dit-on déjà ? L’espoir fait vivre, mais il peut aussi s’éteindre ! C’est ce qu’il m’est arrivé. Je me souviens encore de la nuit précédant la décision que j’allais recevoir un nouveau poumon. J’ai pensé : cette fois, je vais mourir." Eliane n’avait alors que 21 ans. Depuis, elle souffrait d’un trouble de stress post-traumatique et de dépressions. Pendant quarante jours, elle a vécu avec des difficultés respiratoires, dans l’attente d’un organe. "Pendant cette période, j’ai beaucoup pensé à mes funérailles. J’avais peur de mourir. Toutes mes pensées étaient négatives." Peu avant la transplantation, elle ne percevait presque plus rien – elle avait demandé à être placée dans un coma artificiel, ce que l’équipe médicale avait refusé en raison des risques. Puis, soudain, la bonne nouvelle est arrivée : un poumon compatible avait été trouvé. "Je n’ai vraiment pris conscience de ma chance qu’à mon retour à la maison, après l’opération", racontait-elle. "Je me souviens être montée à quatre pattes jusqu’à mon appartement, car je n’avais plus de muscles après mon séjour à l’hôpital."

Avec le soutien indéfectible de sa famille, de ses beaux-parents et de ses ami-e-s, Eliane a retrouvé pas à pas le goût de vivre. "La transplantation pulmonaire a complètement changé ma vie", disait-elle. "Je pouvais par exemple à nouveau me doucher seule. Tout ce que je pouvais faire de manière autonome représentait un immense gain de qualité de vie."

Par la suite, Eliane a souffert d’un rejet chronique du poumon, traité par photophérèse – une technique d’irradiation des globules blancs par la lumière. "Être à l’hôpital déclenche chez moi des épisodes dépressifs : ne pas avoir le choix ni le contrôle sur mon propre corps est difficile à supporter." Pour faire face à ces moments, elle avait appris à structurer son quotidien. Même pendant un séjour à l’hôpital, elle tenait à garder ses repères – "comme à la maison", disait-elle : "Je commence par me doucher, puis je prends mon petit-déjeuner et je sors mon chien Emil toujours à la même heure. Ici, à l’hôpital, je me promène à cette même heure avec mon pied à perfusion (elle rit)."

Eliane Gutzwiller reste dans nos mémoires comme une jeune femme courageuse, sincère et profondément attachante.

Eliane avec son chien Emil
Eliane à l'hôptial
© 20min/Fabienne Naef
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Un « OUI » clair à la nouvelle loi sur la transplantation

Le 15 mai 2022, environ 60 % de la population suisse ont voté en faveur d’un changement de système pour le don d’organes. Avec le consentement présumé au sens large, toutes les personnes âgées de 16 ans et plus seront à l’avenir considérées comme donneuses d’organes, sauf si elles s’y sont explicitement opposées de leur vivant. Cette décision suscite l’espoir de voir augmenter le nombre de dons d’organes – et, par conséquent, le nombre de vies sauvées.

La nouvelle réglementation n’est toutefois pas encore entrée en vigueur. Avant sa mise en œuvre, il faut créer un registre national, introduire l’identité électronique (e-ID) et mener des campagnes d’information. Selon les estimations actuelles, le consentement présumé ne s’appliquera pas avant 2026 ou 2027.

Mucoviscidose Suisse continuera de s’engager pour que cette mise en œuvre ait lieu rapidement et dans l’intérêt des patient-e-s qui attendent un organe vital.